6 mai 2009

IT Crowd ou le rire carnavalesque


J'ai vu les trois saisons de IT Crowd, cette série britannique humoris- tique dont je te parlais tantôt, et ça mérite un éclairage (j'ai encore mis un titre pédant, je peux pas m'en empêcher).

Voyons d'abord le principe. Nous avons deux personnages, Roy (à droite sur la photo) et Moss (à gauche) qui travaillent dans une grande entreprise londonienne. Leur boulot consiste à s'occuper du parc informatique de la société, emploi utile car on les appelle toutes les cinq minutes pour réclamer leur aide. Le plus souvent les questions posées sont dérisoires et les problèmes résolus en faisant redémarrer la machine, voire en la branchant. Cependant, les deux acolytes de l'IT Crowd (soit "département informatique" en français) sont méprisés et relégués dans les sous-sols moisis de l'entreprise. L'histoire commence quand le patron décide d'engager un nouveau manager afin de mieux gérer les relations entre l'IT Crowd et les autres employés : l'heureuse élue s'appelle Jen (au milieu du canapé donc) et elle n'y connaît absolument rien en informatique.

Comme on le voit, le point de départ est un renversement intéressant : l'ordinateur qui régit nos vies de façon croissante est ici relégué au second plan. Alors qu'on présente de plus en plus les petits génies de l'informatique comme les futurs maîtres du monde, ou comme des super-héros (en témoigne par exemple Die hard 4 qui joue sur cette tendance), ici ce ne sont que des rebuts, des êtres au rancart. Le geek (soit une personne obsédée par l'informatique et tous ses dérivés, tendance représentée par Roy) voire sa variante lourde le nerd (un geek totalement handicapé dans les relations sociales, tendance représentée par Moss) sont des perdants de la vie que l'on oublie une fois qu'on les a utilisés. Quant aux gens "normaux" (Jen comprise), ils sont absolument ignorants en matière d'informatique, au point de croire que l'Internet est une petite boîte noire avec un voyant qui clignote.

Bien sûr, tout cela est caricatural, mais c'est ce qui est comique. Toutes les valeurs sont attaquées une par une au cours des 18 épisodes diffusés à ce jour : le patronat (malhonnête et abusif), le travail (les employés rivalisent d'incompétence et ne font rien de leurs journées), la religion (des prêtres sont accueillis par un "fuck you" retentissant), la loi (voir la parodie des messages contre le téléchargement). Même les handicapés, les mendiants et les vieux sont moqués, avec cette outrance qui aboutit à une forme de nonsense bien anglais. On en veut pour preuve Richmond, l'ancien employé modèle qui a un jour découvert le groupe de musique gothique Craddle of Filth ; désormais indésirable, il a été relégué dans la cave, près d'une machine qui clignote, devenant une espèce de vampire dépressif.

Tout cela nous décrit un monde à l'envers où le rire va prendre une coloration carnavalesque. Non seulement les valeurs sont inversées, caricaturées jusqu'à l'absurde, mais on ne s'intéresse plus qu'au bas corporel (pour reprendre les mots de Bakhtine au sujet de Rabelais). On parle de menstrues, d'excréments, de pets, mais aussi de sexualité. Le second patron de la boîte est ainsi une sorte de Priape qui est excité par tout et n'importe quoi. Les barrières tombent rapidement et tout le monde couche avec tout le monde à la faveur d'une fête.

J'oubliais l'essentiel : c'est aussi très drôle (en raison notamment de ce que j'évoque plus haut) et on peut donc se faire plaisir avec un spectacle régressif, tout en se donnant des airs d'intello. J'ai essayé ; on peut.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Superbe blog, M. Clavel! Vos sujets (particulièrement celui-ci) ne manquent pas d'intérêt et sont toujours traités avec la verve, l'érudition et le talent qui vous caractérisent. Long live Clavelus, et tous mes vœux pour les Imaginales...

AnONyMuS

CLAVELUS a dit…

Tout ça ?

Eh bien, merci.

Guitou a dit…

Dans les commentaires, y'a quand même de ces fayots...

Moi, ma série préférée, c'est californication.

Pour les hommes, les vrais.

CLAVELUS a dit…

C'est parce que tu as le même ventre que l'éditeur du héros (et bientôt la même coiffure).

Jaloux !

Mazoutos a dit…

Ma série préférée, c'est 'Blackadder', avec Rowan Atkinson, et bien que ce ne soit plus tout jeune. Je me sens une certaine proximité avec Baldrick...

Un extrait.
http://www.youtube.com/watch?v=328Q79GoR7g

CLAVELUS a dit…

Baldrick, vraiment ?

Puisque tu aimes l'humour anglais, essaye quand même celle-là aussi, même s'il n'y a pas de référence historique dedans.

A propos, tu as vu "Les Tudors", autre série historique (mais pas drôle du tout à ce qu'il paraît) ?

Anonyme a dit…

Chuis pas un fayot, môssssieur, mais un admirateur (secret)!
D'abord!

Fan O' NyMe

Anonyme a dit…

- Hello I. T. ?
- ...
- Have you tried to turn it off and on again?

L'instit a dit…

Moi j'dis que l'admirateur (trice?) secret est un imposteur (teuse?) payé par Clavelus!!!

"Anonymus", ça me dit kèkchoz moi!

Anonyme a dit…

O, scandale!! O, blasphème! Maître Clavelus n'a pas besoin de monnayer les louanges que tout son être inspire!!

Zi hardcore fan, choqué (mais hilare).

CLAVELUS a dit…

Bon ben, je vais vous laisser entre vous...