3 novembre 2020

Il y a dix ans : L’Apprentie de Merlin. Tome 1


Tout a commencé par un coup de fil de Xavier Mauméjean. Il lançait à l'époque une nouvelle collection chez Mango dont l'ambition était de reraconter la légende arthurienne à travers plusieurs romans et différents auteurs (je dis peut-être une bêtise mais il me semble que le Mordred de Justine Niogret paru plus tard chez Mnémos faisait partie de ce projet à l'origine).

Xavier m'a proposé de raconter l'histoire de l'apprenti de Merlin. J'étais bien sûr à la fois excité (les chevaliers de la Table ronde quand même) mais aussi un peu inquiet : il y avait déjà tant de réécritures arthuriennes ! Ma première réponse a été d'accepter à condition que ce soit, non un apprenti, mais une apprentie. Je ne voulais pas marcher sur les plates-bandes de T. H. White qui avait fait d'Arthur un disciple de Merlin dans L'Épée dans la pierre, roman surtout connu à travers l'adaptation de Disney. En outre, dans la légende, il s'agit plutôt de Morgane ou de Viviane qui sont en contact étroit avec l'enchanteur. Enfin, ayant en tête Les Brumes d'Avalon de Marion Zimmer Bradley, j'avais envie de mettre l'accent sur les personnages féminins.

Xavier a aussitôt accepté et je me suis mis au travail. Je sortais à l'époque d'une relecture de Harry Potter. J'avais enchaîné deux lectures : l'une en français (pour me préparer), l'autre en anglais. J'avais pu alors constater à quel point le début et la fin et de la saga étaient inextricablement liés. J'ai eu envie de construire un cycle que l'on pourrait relire dans la foulée pour mieux profiter des éléments disséminés au long de l'intrigue.

Une fois cela posé, je me suis lancé dans l'étude du matériel. J'ai lu les quatre tomes du Conte du Graal en Pléiade (c'était long, surtout que je lisais aussi toutes les notes), ainsi que La Légende arthurienne chez Bouquins. Et puis j'ai revu Excalibur ainsi que Camelot (la comédie musicale). Je me suis d'ailleurs rendu compte au passage que la série Kaamelott était extrêmement bien documentée. Je suis arrivé rapidement à un problème récurrent dans les réécritures : comment concilier la surprise chez ceux qui connaissent déjà l'histoire, avec la découverte plus classique de ceux qui ne la connaissent pas.

Une seule solution : tricher. Déjà en adoptant un point de vue si possible inédit (une apprentie de Merlin, ça n'avait pas été trop fait à ma connaissance à l'époque). Et puis déguiser les choses en camouflant ou déguisant des éléments afin qu'on les reconnaisse le plus tardivement possible. Pour ne pas trop te divulgâcher, je te dirai simplement que tous les personnages importants de mon cycle sont déjà présents dans la légende.

Je voulais aussi raconter tout le règne d'Arthur qui court sur des décennies, en en faisant une parenthèse utopique. Mais cela posait problème pour le personnage principal qui devait rester jeune pour garder l'identification avec les lecteurs jeunesse. Autre difficulté : la figure de Merlin est extrêmement évanescente dans les sources. Comment expliquer sa présence épisodique ? J'ai utilisé la vieille ficelle du prix de la magie qui évite d'avoir un personnage capable de détruire le monde avant d'aller boire un thé tranquillou. Donc, les pouvoirs de Merlin l'obligeaient à se reposer longtemps, très longtemps, des années… J'ai donc fait d'une pierre deux coups : cela permettait de garder un Merlin fuyant mais aussi de poser des ellipses entre chaque tome. Étant très marqué par Excalibur, je ne pouvais pas non plus renoncer aux armures de plates complètement anachroniques : j'ai expliqué ça par la magie tout en insistant sur les armures déjà existantes qui auraient pu les inspirer.

Assez rapidement, je suis arrivé à quatre tomes pour pouvoir déployer tout mon matériau avec quatre temps forts (et quatre saisons), à commencer par Uther et la naissance d'Arthur dans le tome 1 (en hiver) en me calant sur un narrateur à la troisième personne en point de vue interne. À ce stade, ma grande crainte était, en cas d'insuccès, de ne pas pouvoir aller au bout de mon cycle dont les synopsis étaient entièrement prévus à l'avance.

En relisant ce premier tome, j'en suis satisfait. J'ai pris beaucoup de plaisir à redécouvrir ce que j'avais oublié. Je ne lui trouve pas de gros défaut. En plus, j'ai bénéficié d'une couverture de Julien Delval que je rêvais de voir illustrer un de mes livres (j'ai son original chez moi). Mon coup de chance a été de voir le roman sélectionné au Prix des Incorruptibles 2012. Cela m'a permis d'en vendre assez pour m'assurer la parution des tomes suivants (alors que le reste de la collection n'a manifestement pas vu le jour). La seule chose que je changerais (à part quelques détails), ce serait d'appeler Merlin « le Merlin » au début du roman, comme chez Bradley, parce que ça envoie du bois.

Au sujet des Incorruptibles, je découvrais l'existence de ce prix cette année-là. Je ne l'ai pas eu mais ça m'a permis de rencontrer Olivier Peru qui est une personne adorable. On s'est croisés à l'occasion d'une table-ronde aux Futuriales autour du zombie. Quand il a eu le prix pour Les Hauts-Conteurs (avec Patrick McSpare), il a eu la gentillesse de m'envoyer un mot pour me dire que ça c'était joué à un cheveu. Il avait l'air presque désolé pour moi. Je dois dire que j'ai été touché par ce geste délicat. Olivier Peru est un gentilhomme, que cela soit dit.

Aujourd'hui, le roman est quasi épuisé et j'ai récupéré les droits puisque Mango a cessé de l'exploiter. Cela ne te surprendra pas : je rêve d'une réédition intégrale pour ce cycle dont je te parlerai des autres tomes dans les années qui viennent.

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