20 mars 2023

Carnet d’auteur 2/4 : Développement


Je te raconte en quatre épisodes la naissance de Scriptoria, mon premier jeu publié, depuis l'idée de départ jusqu'à l'arrivée dans les boutiques.

Quelques mois après conçu cette première version, je me suis rendu chez Florent Cautela. Nous sommes amis depuis les années 2000 au cours desquelles nous avions écrit ensemble Les Atlantéides, une mini-campagne du jeu de rôle Nephilim. Courant 2018, Florent venait ou était sur le point de fonder Le Lion Vert, sa maison d'édition de jeux, et travaillait à Codex – L'Ultime secret de Léonard de Vinci.  
 
Deux propositions ludiques de Florent Cautela :  
Codex (2020) et Les Atlantéides (2003)

C'était une soirée jeux du vendredi. Après quelques jeux, j'ai sorti mon prototype parce que j'en étais assez satisfait. On a joué et tout le monde a été content de sa partie. Je crois que Florent m'a dit dès ce soir-là que cela pouvait l'intéresser pour le Lion Vert. 
 
Sa première remarque a concerné les lutrins, ces supports pour les lots d'esquisses. Il trouvait dommage qu'ils n'aient pas d'autre utilité. Selon lui, il fallait y ajouter des pouvoirs. C'est ainsi que sont arrivées, après tâtonnements, les encres infinies sur les lutrins et la possibilité de changer de premier joueur. 

Une ancienne version des lutrins 
où les pouvoirs n'étaient pas encore définitifs

Maintenant que c'était sérieux, je me suis mis à reprendre encore le prototype afin de simplifier au maximum la mise en place. J'ai fixé le nombre d'encres et de lutrins par nombre de joueureuses. Et j'ai fixé le maximum à quatre joueureuses pour des questions statistiques et de quantité de matériel. Le nombre total de tuiles a été fixé à 140, ce qui fait déjà beaucoup. 
 
En posant quelques tuiles directement sur le scriptorium (le plateau de score) en début de partie, cela donnait un nombre précis de tours au terme desquels la pioche s'épuisait. Et cela évitait aussi que certaines tuiles ne soient jamais piochées : si c'étaient des lettrines, on ne pouvait pas terminer sa double page. 

Nous avons effectué de nombreux tests. J'ai eu l'occasion de montrer le prototype à Hicham, qui œuvrait encore à l'époque pour Matagot, et dont l'équipe m'avait dit qu'il fallait absolument pouvoir terminer l'enluminure au cours de la partie. Ce n'était pas le cas à l'époque. 
 
Je ne sais plus qui, de Florent ou de moi, a eu l'idée des jetons Aide que les joueureuses pouvaient dépenser pour prendre des esquisses sur le scriptorium ou dans la réserve des adversaires (je me suis inspiré des jokers à Cléopâtre et la société des architectes de Cathala et Maublanc, Days of Wonder, 2006). Ainsi, la partie s'arrêtait, non pas à la fin d'un nombre de tours fixé mais quand au moins une personne avait la satisfaction d'achever son enluminure. 

Florent a mené des tests de son côté. Des collaborateurs de Plato Magazine nous ont fait des retours et suggéré de limiter la répartition des encres. Pour eux, il suffisait de passer à deux encres par tour et d'empêcher de prendre en même temps de l'or et de l'encre noire. Cela a également été une grande amélioration en rendant cette phase encore plus tendue. 

Tu peux remarquer que les bordures 
ne sont pas de la même couleur que les autres esquisses

Enfin, en février 2020, nous sommes arrivés à Cannes (au Festival International des Jeux) pour présenter le prototype à des joueureuses. Il est apparu que les parties duraient encore trop longtemps à notre goût. Pour nous, il fallait que le jeu tienne en une heure maximum. 
 
Le soir même du premier jour, j'ai eu l'idée de modifier la manière de dessiner les bordures. En effet, il y en avait beaucoup sur le plateau : 12, soit la moitié du total de tuiles. Cela pouvait devenir fastidieux. Encore une fois, en partant de la thématique, je me suis dit que les bordures étaient la partie la plus simple, celle que l'on pouvait confier à des assistants. 
 
J'ai donc ajouté cette règle : si on le souhaitait, les tuiles de bordures pouvaient être dessinées sans dépenser d'encre mais elles ne rapportaient pas de points non plus. Un assistant faisait le travail à notre place. Cela a beaucoup raccourci les parties et on est arrivé à environ 15 minutes par joueur. C'est ainsi que, peu à peu, le jeu a trouvé sa forme définitive.

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