3 juillet 2009

In treatment ou le réalisme mythlogique


Comme les vacances reviennent, j'ai du nouveau du temps pour regarder des séries. Je m'aperçois alors que je ne t'ai pas parlé de In treatment dont la première saison m'avait occupé quelques mois auparavant.

Je te plante le décor : Paul, un thérapeute, reçoit chaque jour de la semaine un patient : le lundi, c'est Laura qui avoue qu'elle est amoureuse de lui ; le mardi, c'est Alex, un pilote de chasse qui a bombardé des enfants par erreur ; le mercredi, c'est Sophie, une jeune gymnaste suicidaire ; le jeudi, c'est Amy et Jake qui suivent une thérapie de couple. Quant au vendredi, c'est le jour où Paul va lui-même consulter Gina qui a été jadis son mentor. Parce que, bien sûr, Paul a des problèmes dans son propre mariage.

Les choix sont assez intéressants puisque chaque épisode est diffusé le jour où la session doit avoir lieu. On ne bouge jamais ou presque du bureau de Paul. Chaque épisode relate une séance qui se déroule presque en temps réel sous nos yeux. On est en outre fixé sur le problème qui amène le patient. Fais tes comptes : on retrouve la règle des trois unités du théâtre classique : unité de lieu, de temps et d'action. Je me permets de te citer Boileau : "Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli / Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli."

Il en ressort un réalisme extrêmement prégnant qui repose sur le jeu des acteurs puisqu'il ne se passe quasiment rien à l'image. Et ils sont tous absolument excellents, d'un naturel époustouflant. Le décor est tout aussi important : le bureau devient un lieu de rencontre comme les antichambres de jadis. Les livres, les maquettes de bateau, la machine à vague qui fonctionne ne permanence sont autant de symboles qui nous invitent au rêve et à l'interprétation. Les sons prennent une importance toute particulière car la porte du jardin qui grince indique l'arrivée d'un nouveau patient et donc la fin de la séance. De même, les pas au plafond renvoient à la présence de l'épouse qui se sent toujours exclue de ce cabinet. On est loin de 24, qui, à ce niveau-là est grotesque.

Mais qu'y a-t-il d'intéressant à voir alors ? C'est le deuxième aspect théâtral de la série : tout passe par la parole. On vient se raconter, détourner la conversation, refuser de parler. La plupart des autres personnages n'existent que par le discours que l'on tient sur eux : le père d'Alex, celui de Sophie, le patron d'Amy. La place à l'imagination est laissée. Et quand on en rencontre certains, on est toujours surpris parce que l'on en avait qu'une image tronquée, partielle et partiale. Finalement, ce cabinet apparaît comme un endroit hors du monde et, s'affirmant tel, il accentue encore le réalisme puisqu'il montre lui-même ses propres limites (ça va, c'est pas trop compliqué pour toi ?).

Il y a une progression dramatique qui tient en haleine. En effet, même si l'on retrouve des stéréotypes psychologiques, les patients qui en sont victimes refusent de le voir. Il faut une longue enquête pour parvenir à découvrir la vérité. Comment ne pas penser à Oedipe roi, de Sophocle ? Le personnage y enquête sur la cause de la colère des dieux et finit par découvrir qu'il en est la cause. C'est un peu comme Paul qui découvre la fatalité tragique qui s'abat sur ses patients et qui lui-même est embringué dans l'histoire. Rappelons également que cette pièce a inspiré à Freud son célèbre complexe d'Oedipe, un des fondements de la psychanalyse.

Finalement, certains patients échappent à la fatalité car la thérapie proposée par Paul porte ses fruits et les amène à une catharsis bienvenue, que le théâtre grec puis classique jugeaient indispensables. La série met à la fois en scène la catharsis de ses personnages et celle du spectateur, invité à se reconnaître dans les cas évoqués. La série et son propos sont donc mis en abyme.

Pour toutes ces raisons, on peut donc parler de réalisme mythologique, même si Michel Leiris, à qui j'emprunte la formule, ne l'emploie pas exactement dans ce sens quand il décrit La Modification de Butor. Quoique...

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