20 septembre 2009

Homo Vampiris. Extrait 3/3


Le vieux vampire tourna la tête vers elle. Son visage opalin, à la fois centenaire et poupin, avait quelque chose d'effrayant.

— Lorsque notre famille est arrivée en Transylvanie, au XIe siècle, sous le règne de Pierre de Hongrie, elle ne possédait pas encore l'aura que nous lui connaissons aujourd'hui. Il a fallu travailler en sourdine, infiltrer tous les niveaux du pouvoir : militaire, administratif et même ecclésiastique. Au XIIIe siècle, nous avons obtenu pour nos services la ville de Bátor, du comté de Szabolcs. Nous avions enfin reçu notre nom : les Báthory, ceux de Bátor. Trois siècles nous furent nécessaires.

Il leva une main blafarde.

— Oh, bien sûr, tout n'a pas été toujours aisé. Les frasques de ma chère Erzsébet nous ont attiré des ennuis durables. Nous avons dû user de toute notre influence pour effacer nos traces et tenter de faire oublier cet épisode pénible…

Epone ne laissa rien filtrer de ses émotions. La comtesse Báthory était à l'origine du plus grand scandale que la société vampirique ait jamais connu, celui qui avait failli révéler leur existence au monde entier. Accusée d'avoir torturé et tué près d'une centaine de jeunes femmes, le roi de Matthias de Hongrie lui-même était intervenu pour la faire juger. Elle avait finalement été assignée à résidence jusqu'à sa prétendue mort.

Heureusement, avec les années, sa noire légende s'était estompée au profit de celle de Vlad Tepes. Une remarquable opération de communication d'ailleurs. Le nom avait été glissé à l'oreille d'un écrivain irlandais, Bram Stoker, inconnu à l'époque. Epone lui avait personnellement mis en main Le Capitaine Vampire, roman de Marie Nizet qu'il avait allègrement pillé.

Ce n'était pas la seule compagne de désinformation qu'ils avaient orchestrée, mais elle se révélait de loin la plus réussie.


Homo Vampiris est roman qui sort en novembre 2009 chez Mnémos dans la collection Icares. Je t'en dirai quelques mots plus précis le moment venu.

Image : source Wikipedia, Gray's Anatomy of the Human Body, 1918

15 septembre 2009

Le plus mauvais film de l'histoire de la Hongrie


Tu le connais ? Moi, je viens de me le regarder dans une version DVD sans menu, ni sous-titres (je ne parle même pas d'un quelconque doublage). Ça s'appelle Sacra Corona. Difficile de croire qu'un pays qui a vu naître Miklos Jancso, Istvan Szabo et Béla Tarr soit capable de produire une telle catastrophe cinématographique. Et pourtant.

L'histoire, c'est celle de la couronne de Hongrie entre 1038 et 1083. Des rois se disputent le trône, parmi lesquels le formidable Laszlo qui est le héros du film (il a un visage christique et de très beaux cheveux), Salomon étant le grand méchant. Le scénario n'a qu'un intérêt tout relatif puisqu'il s'agit de sauver le pays des guerres intestines qui le déchirent. Pour ça, des anges descendent sur terre et confient la couronne à Laszlo.

Il paraît que le film, produit pour le millénaire de la Hongrie, a coûté des sommes folles. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça ne transparaît pas à l'écran. L'action avance à coup de longs dialogues où les acteurs se regardent immobiles quand ils n'ont plus rien à dire. Le décorateur a bien essayé de mettre des bougies partout pour détourner l'attention, mais ça sent quand même le renfermé.

Les scènes de guerres sont pathétiques. Trois cavaliers filmés sous tous les angles galopent dans la plaine en voulant nous faire croire qu'ils sont des milliers. Quand ils se battent, ils ont à peine la place de lever leur épée et frappent comme des pépés arthritiques. Mêmes les bruitages sont nuls et transforment les rares scènes correctes en film amateur tourné dans le garage du voisin ou le jardin des parents. Quand la cavalerie charge, il n'y a qu'un gars (toujours le même) qui crie. On en a la chair de poule.

En plus, la postsynchronisation est horrible, donnant l'impression que les acteurs sont doublés en hongrois sans parler la langue (pourtant, vu les noms, ils sont d'ici). Quant à la musique, mal mixée, elle est juste lamentable. Le générique de fin pousse même le mauvais goût jusqu'à nous proposer une chanson pop qu'on croirait sortie des années 80.

Bref, c'est pas brillant. Qu'est-ce qui m'a pris de regarder un film pareil ? Eh bien, je suis toujours dans mes recherches sur Istvan. Mais, après ça, je vais retourner à des livres d'histoire. C'est plus sûr.

Toi, si tu as deux heures à perdre et que tu aimes les nanars, tu sais ce qu'il te reste à faire. Je pense d'ailleurs proposer le film à Nanarland (si tu ne connais pas ce site, cours-y immédiatement).

14 septembre 2009

Chose vue 15 : chaque pot a son couvercle

Vers midi, à Budapest, au départ du 128.

Ce n'est pas qu'ils sont laids, mais ils n'ont pas un physique facile, on pourrait même dire ingrat. Les traits tombants, épais, la peau boutonneuse, le cheveu bientôt rare, ils ne sont pas gros mais mous. Entre deux âges, l'homme a bien dix ans de plus que la femme.

Déjà, ils s'embrassaient goulûment en attendant le bus. Maintenant qu'ils sont à bord, ils continuent de se bécoter avec la gourmandise maladroite des adolescents qui veulent montrer à tout le monde qu'ils ont quelqu'un.

Ils se sourient. Ils ont l'air heureux de s'être trouvés.

9 septembre 2009

Chose vue 14 : en attendant le 128

Au terminus du bus 128, fin d'après-midi.

Le terminus du 128, en haut des collines, est un lieu de prodiges. Sans doute est-ce dû à la présence d'une chapelle au bord de la route. Le 128 arrive donc, bondé, en retard, et s'arrête devant le lieu de culte. Tout le monde descend. Des voitures pressées dépassent le bus.

L'une d'elles est une Skoda défraîchie. Elle commence sa manœuvre puis effectue un petit bond assez étrange avant de stopper au milieu de la route. Un jeune homme au short déchiré en sort. Lentement, fataliste, il contourne son auto et s'arrête de l'autre côté. Il se frotte alors les cheveux d'un air ennuyé, se penche et revient avec la roue arrière droite qui s'était cassée net. Précautionneux, il la fait rouler sur le trottoir et allume son mobile pour appeler un ami.

On a pris encore plus de retard car le chauffeur du bus, qui s'était garé plus haut, a fait trois fois le tour de son engin pour vérifier qu'il n'avait pas été touché par la même malédiction.

8 septembre 2009

Babylon 5 ou le roman télévisuel


Prévoyant une rentrée trépidante, je me suis empressé de terminer les 5 saisons de Babylon 5 cet été pour t'en faire part dès que possible (c'est-à-dire maintenant). Qu'est-ce que Babylon 5 ? me demanderas-tu avec raison. Eh bien, il s'agit d'une série américaine de science-fiction diffusée pendant cinq saisons, de 1993 à 1999. La chose semble ancienne mais elle vaut le détour.

Autant te prévenir tout de suite, le titre (une fois de plus) n'est pas de moi, je l'emprunte sans vergogne au guide Les miroirs obscurs. C'est également un hommage parce que c'est leur article sur la série qui m'a poussé à la regarder. Profitant d'une promotion, j'ai acheté les cinq saisons d'un coup pour un prix honteux d'être aussi bas.

Nous sommes en 2258, dix ans après une guerre entre les humains et une race extra-terrestre, les Minbari. La station spatiale Babylon 5 est chargée de faire se rencontrer toutes les races d'aliens afin de maintenir la paix dans la galaxie. Évidemment, les obstacles sont nombreux, personne ne veut collaborer et tous ont de vieux conflits qui les opposent. Les cinq saisons retracent autant d'années de la vie de la station qui verra advenir une nouvelle guerre galactique.

La vision du premier épisode m'a fait extrêmement peur. On y voyait des personnages statiques, jouant de façon affectée et caricaturale. Les têtes d'aliens m'ont semblé vieillottes, limite grotesques. En outre, les effets spéciaux numériques avaient pris un sale coup de vieux (je sortais en outre de Battlestar Galactica dont je te toucherai un mot à l'occasion). Voilà pour le côté télévisuel. Les choses se sont arrangées un peu par la suite. La série n'a été qu'une longue transition vers la modernité du jeu (de plus en plus fin), des effets spéciaux (quand même datés) et de la réalisation. En ce sens, la série est exemplaire. C'est elle qui a ouvert la voie aux effets numériques à la télévision. J'ai quand même laissé passer un mois avant de regarder la suite. Cette fois, ce fut la bonne.

J'ai remarqué un réalisateur qui cassait la baraque à chaque épisode qu'il tournait : Michael Vejar. Bravo à lui. Il a contribué à dépoussiérer le visuel de la série. Un acteur m'a aussi beaucoup impressionné, celui qui joue G'Kar avec un masque et qui est époustouflant, une sorte de Depardieu extra-terrestre : Andreas Katsulas (tout à droite sur l'image en haut). Mais beaucoup de personnages sont très réussis.

La force de la série repose sur son écriture. Elle a été entièrement écrite par un seul homme qui avait prévu les cinq saisons à l'avance. Les événements sont préparés longtemps à l'avance et l'histoire progresse d'épisode en épisode, construisant un univers très riche et parfaitement cohérent. Les intrigues s'avèrent extrêmement intéressantes : il est question de paix, de guerre, de résistance, d'engagement politique. La facilité avec laquelle une société dérive vers le fascisme est parfaitement montrée. Le tout avec beaucoup de finesse. Les héros sont loin de la caricature, outre leurs failles, ils prennent position, au risque de se fâcher avec leurs amis. Voilà pour le côté romanesque.

A elle seule, Babylon 5 résume tous les thèmes de la science-fiction : exploration de l'espace, histoire future de la Terre, les pouvoirs psychiques, les extra-terrestres, les robots... L'auteur, Joseph Michael Straczynski, sait écrire des dialogues efficaces, voire brillants et poétiques, adaptés à ses personnages dont on reconnaît le style immédiatement. Il sait également jouer sur les différents registres, passant de la comédie romantique à l'épopée, sans oublier l'humour.

Tout ça pour te dire qu'après certaines réticences, j'ai complètement adhéré. La saison 3, sommet de la série, m'a laissé sur le fondement tellement la montée de la tension était insoutenable. Alors, va l'acquérir. Avec un peu de chance, il y aura peut-être une nouvelle promotion.

2 septembre 2009

Sales profs !


Je suis de ceux qui lisent le journal Le Monde (en ligne). J'estime encore, peut-être à tort, que ce journal constitue le quotidien de référence en France. C'est pourquoi, les messages des lecteurs m'intéressent. Je suis toujours surpris par les réactions haineuses de nombreux internautes contre la gent enseignante. Les vacances, les heures de cours, les salaires, les grèves, tout y passe.

Je profite de la rentrée pour rappeler quelques points sur les professeurs :
  • Le salaire de départ d'un jeune enseignant débutant, est très proche du salaire minimum.
  • Par dérogation spéciale, la plupart des heures supplémentaires des enseignants ne sont pas défiscalisées.
  • Contrairement à ce que certains ministres ont pu laisser entendre par le passé, les jours de grève sont bien retenus sur le salaire.
Je ne parle évidemment pas de la différence énorme qu'il y a entre une heure passée devant un bureau et une heure devant une classe...

Il est inquiétant qu'un métier d'intérêt public soit l'objet de tant d'attaques, dont beaucoup ne sont que des prétextes. Ce ne sont pas seulement les prétendus privilèges de la profession qui sont à l'origine de cette détestation farouche, mais aussi son caractère intellectuel. Aujourd'hui, cela apparaît comme un luxe voué à disparaître. Le produit de l'intellect ne sert à rien et ne rapporte pas assez. Comment peut-on gagner sa vie en ne produisant rien de matériellement mesurable ?

On ne supporte pas non plus la marge de manœuvre dont jouissent les enseignants dans le choix de leurs cours, dans l'organisation de leur travail : il faut donc qu'ils rentrent dans le rang. Le paradoxe, c'est qu'on veut les fixer à leur lieu de travail quand l'évolution des métiers va souvent dans l'autre sens. On prône pour les lycéens (choix plus libre des cours) exactement l'inverse de ce qu'on veut imposer à leurs enseignants. Le but est clairement la normalisation du métier, au nom d'une prétendue égalité qui cache mal des rancœurs nauséabondes, la haine de l'intellectuel et la peur du lendemain.

1 septembre 2009

Sondage stupide de septembre


Pour fêter la rentrée, voici notre sondage coutumier. Mais d'abord, les résultats du précédent.

18 navigateurs échoués ont dit quel(s) livre(s) ils emporteraient sur une île déserte. 11% de malheureux ont choisi le dernier Marc Lévy, 22% de gens de goût ont choisi les Misérables (moi, c'est ce que j'ai pris, parce qu'on a un gain qualitatif et quantitatif non négligeable par rapporte à d'autres ; n'oublie pas qu'il va falloir lire et relire le même tout le temps), 33% ont préféré Robinson Crusoë pour se mettre dans l'ambiance. Restent 38% de pragmatiques qui prennent un manuel de survie et autant de fayots qui partent avec l'intégrale de Clavel (le piège était là : il s'agit de l'intégrale de Bernard Clavel, merci pour lui).

Voici notre nouveau questionnement métaphysique :

Tu es un vampire et tu veux transformer quelqu'un pour accompagner ton immortalité solitaire. Qui choisis-tu ?
Tiens puisque l'affiche est là, j'en profite pour te dire que le film Je suis une légende m'a laissé une impression plus que mitigée. La première partie est excellente et fout vraiment les boules. La seconde, où l'on voit des vampires de synthèse, est assez moyenne. Quant à la fin, c'est une trahison abominable du roman de Matheson. Qu'on opère des modifications, c'est tout à fait acceptable mais qu'on change tout le propos du film pour en faire une morale religieuse et militariste, c'est un peu beaucoup. D'une certaine manière, on peut le voir comme un hommage à Matheson qui a écrit ce bouquin il y a un demi-siècle et dont la fin est toujours anticonformiste. Arrête ta vision au bout d'une demi-heure et tu feras des cauchemars. Et puis lis le roman.

Amuse-toi bien et bonne rentrée.