19 février 2011

Tremblements


Dans un but avoué d'auto-promotion éhontée, je te liste encore quelques petites remarques sur mes dernières publications.
Enfin, afin de prouver mon ancrage international, après la Belgique, c'est la Hongrie qui s'intéresse à un de mes romans. Bien évidemment, il s'agit du Châtiment des flèches.

En réalité, cela tient plus de l'anecdote que de la critique. Ibolya Virág (connue en France pour ses traductions de la littérature hongroise avec des éditions qui portent son nom) répond à une interview sur un numéro spécial de la Revue des Deux Mondes et sur son travail. Elle cite au passage mon bouquin.

L'entretien est sur le site du Népszabadság, un des plus grands quotidiens de langue hongroise (bon courage pour les non-magyarophones). Voilà, c'était juste histoire de me la jouer.

Image : couverture des Aventures de Kornél Esti dans l'édition Ibolya Virág, un des premiers textes que j'aie lu de la littérature hongroise. Ce recueil de nouvelles nous entraîne dans le sillage d'un héros assez amusant. Je te conseille en particulier l'histoire du contrôleur bulgare qui est un chef d'œuvre.

9 février 2011

Ultraviolet ou l’impossible reflet


Rassure-toi, je ne parle pas de l'ignoble film homonyme avec Milla Jovovich mais d'une mini-série britannique en six épisodes diffusés en 1998. Je ne l'ai pas vue dans les meilleures conditions, étant donné que je n'ai pu mettre la main que sur une édition en version française uniquement.

Nous sommes de nos jours en Angleterre. Une sorte de milice secrète en lien avec l'Église est engagée dans une lutte à mort avec les sangsues ou les codes 5, autrement dit les vampires. C'est encore une histoire de conspiration. Michael, un policier, découvre que son meilleur ami est un vampire. Il se retrouve pris malgré lui dans cet affrontement.

La série a pas mal vieilli. Outre le doublage assez mauvais, l'image est terne, les acteurs ne sont pas vraiment mis en valeur (il y a pourtant Idris Elba et Stephen Moyer qu'on retrouvera respectivement dans The Wire et True Blood avec des rôles autrement plus marquants.) Les décors font un peu minables et les rares scènes d'action manquent de tonus.

Étrangement, cette platitude visuelle participe d'une forme de réalisme. Les décors froids et bétonnés qui reviennent souvent en plans de coupe ôtent tout esthétisme. De même, le physique des acteurs, finalement très commun, nous rend les personnages très proches. Et tant pis pour le rêve.

Mine de rien, la série aborde de nombreuses problématiques de science-fiction sur la survie de l'espèce vampirique et sa reproduction. Contrairement à ce qu'on pourrait attendre au départ, le thème de la foi n'est pas exploité. Mais la conspiration est à la fois bien distillée et bien troussée.

J'en viens à la meilleure idée de la série : le reflet. Les vampires non seulement ne se reflètent pas dans les miroirs mais ils n'apparaissent sur aucun écran. Pire, on ne peut ni les filmer, ni les enregistrer. Cela donne quelques scènes très classiques mais assez fortes où le corps du vampire devient en quelque sorte évanescent : un dialogue enregistré où l'on n'entend que la moitié du dialogue, un homme qui combat seul. Cela remet le vampire à sa place de fantasme. Une sorte de double maléfique. Une "inversion des forces psychiques contre soi-même" (dixit le Dictionnaire des symboles).

Tout est ici affaire de regard (mais on peut regretter que la métaphore ne soit pas développée à fond). On utilise le miroir pour reconnaître les humains des vampires. On utilise les ultraviolets pour tuer ces derniers. Les flingues des flics comportent ainsi une extension avec un petit écran qui révèle aussitôt la nature de la personne visée. C'est simple, mais relativement efficace. À l'image de cette mini-série.

7 février 2011

Sondages fines herbes de février


Comme le temps passe : c'est déjà la fin de notre sondage mensuel qui devait juger du moral des ménages pour l'année 2011. L'ensemble est extrêmement positif puisque tu vois en 2011 une année pourrie (comme un discours de tribun populiste) à 46%, absurde (comme un monde sans Jean-Claude Van Damme) à 30%, utile (comme une action en hausse du CAC40) à 23% et belle (comme le troisième mouvement du concerto pour piano n°23 de Mozart) à 15%. Donc, une bonne nouvelle : on ne risque pas de s'ennuyer !

Justement l'actualité internationale semble nous donner raison. Mettons-nous un instant dans la peau de ces commentateurs géopolitiques qui dévoilent les arcanes de l'avenir à nos cerveaux empaillés et tentons, à notre tour, de deviner les événements mondiaux qui vont scander notre quotidien. Évidemment, on ne cherche pas la facilité, nous.

Sauras-tu prévoir la prochaine crise internationale ?
  • Des émeutes paysannes à Dubaï
  • Un soulèvement zapatiste en Suisse
  • Un raz-de-marée en Mongolie
  • Une révolution islamique au Vatican
  • Un krach boursier au Groenland
Nostradamus n'a qu'à bien se tenir !

Image : source Wikipedia, Chasseur d'ours groenlandais en kayak (1904) par Carl Peter Rüttel.

2 février 2011

Rubicon ou l’inclination suspicieuse


Il n'en existe que treize épisodes, puisque la série a été arrêtée à la fin de la première saison, faute d'audience. Et pourtant, cela vaut le coup d'œil. Malgré le titre, qui fait référence au cours d'eau franchi par César quand il déclencha la guerre civile, tu verras qu'on est plus proche des Trois jours du Condor que de la conquête des Gaules.

Will Travers (dont le nom est tout un symbole) travaille à l'API, une agence de renseignement dont le statut demeure énigmatique. Le jour où son patron, le très superstitieux David, qui est également son beau-père, meurt dans un accident de train, Will est gagné par des soupçons qui se confirment rapidement. Il n'y a rien d'accidentel à tout cela. Will, promu chef d'équipe, va tenter d'y voir plus clair.

Il ne faut pas chercher des scènes d'action à la 24. Nos héros sont des analystes en manque de sommeil qui se demandent s'ils ont bien fait de choisir cette voie au lieu de publier des livres de philo ou de devenir banquier. Car nul n'entre à l'API s'il n'est titulaire d'au moins une ou deux thèses. Les cascades se font à l'échelle neuronale, dans un bureau déprimant, à grand renfort de café. D'ailleurs, un passage montre à quel point les analystes font preuve d'une certaine condescendance envers les agents de terrain, qualifiés de « sportifs ».

Exit donc la violence physique, à part quelques rappels douloureux (le passage d'un nettoyeur, la torture d'un prisonnier). Les courses-poursuites se limitent à des filatures dans la rue. Et pourtant, malgré la lenteur, il y a une tension constante dans les épisodes qui parviennent à créer du suspense à partir de rien. Car, dès le début, on est persuadé qu'il va arriver quelque chose de terrible.

La suspicion règne. Les personnages sont pris dans un complot. Les analystes sont à la recherche de signes, si possibles anodins, dont la signification se révèle une fois qu'on les a réunis. Ainsi, chaque détail peut devenir un indice. Et tout le monde se surveille, s'épie. L'ouverture de la série se fait sur un code passé dans les mots croisés des grands quotidiens, c'est dire.

Mais, ce qui est le plus intéressant, c'est que la suspicion généralisée est toujours menacée de délire dans la série. Ainsi, le chef de Will est superstitieux au point de ne pouvoir marcher sur le chiffre treize d'une place de parking. Quelle différence y a-t-il alors entre la superstition et la suspicion ? De même, le vieux Ed, ancien membre de l'API, qui a fini par être brisé par les codes qu'il était chargé de détruire et est désormais en repos, toujours à deux doigts de retomber dans une dépression nerveuse.

Il faut parler des acteurs qui sont pour beaucoup excellents : Will est très bien en esprit tourmenté (il a perdu sa femme et sa fille dans les attentats du 11 septembre) et acharné. Les épisodes permettent de développer le caractère des seconds rôles de son équipe. Mais le meilleur à mon avis est le supérieur de Will, Kyle Ingram, complètement ambigu, mélange de zénitude et de violence latente, qui se lève la nuit pour explorer son appartement et en extraire les micros.

L'ensemble donne lieu à quelques scènes mémorables, comme celle du nettoyeur qui passe comme une ombre, celle de la recherche des micros, de la surveillance du mariage ou du rendez-vous dans le parc. Il y a même de l'humour, ce qui ne gâte rien. C'est un grand bonheur de se laisser porter par cette fausse lenteur. Dommage que le complot finisse par être découvert. Reste la suspicion.