30 avril 2011

La place sans nom


Non content de pondre une constitution ultra-conservatrice, de tolérer que des milices fascistes terrorisent des villages, de museler la presse, le Fidesz, parti au pouvoir en Hongrie, s'est trouvé un nouveau terrain de jeu : la chasse aux noms.
Il s'agit de débaptiser des lieux publics. L'aéroport de Budapest est déjà passé par là. Il s'appelle désormais Liszt Ferenc. L'idée est de revendiquer la magyarité de ce compositeur plus souvent appelé de son nom germanique Franz Liszt (rappelons au passage que sa langue maternelle était l'allemand et qu'il n'a jamais réussi à apprendre le hongrois).
La même mésaventure va arriver à Moszkva tér (Place Moscou). Il s'agit d'une des places les plus laides de Budapest ; mais c'est une laideur émouvante. Pour y être passé presque une fois par jour depuis quelques années, j'ai appris à apprécier ce point de repère du côté Buda, ces éternels clodos toujours à la même place, ces touristes en goguette, les distributeurs de tracts, la toile arachnéenne des câbles des trams, la coquille grise qui couvre la bouche de métro, les petites cahutes où l'on vend des bouquins et des pâtisseries. Depuis quelques mois, certains avaient donné un peu de gaieté à l'endroit en peignant des couleurs vives sur certains bâtiments.
Si j'en crois l'article Wikipedia, Moszkva tér a pris son nom en 1951. C'est l'un des seuls lieux qui ait conservé son nom après 1989. Aujourd'hui, le maire de Budapest, qui se trouve (ô surprise !) appartenir au parti du gouvernement, a choisi de lui donner son ancien nom Széll Kálmán, celui d'un économiste et premier ministre qui lança un plan de rigueur au tournant du XIXe siècle et dont le patronyme (ô surprise !) a été donné au plan de rigueur du gouvernement actuel.
Le rêve de ces dirigeants serait-il d'effacer purement et simplement le XXe siècle et de revenir au XIXe ? Ça éviterait de se poser des questions sur l'histoire récente.
Moi, de mon côté, je continuerai d'appeler la place par son nom, Moszkva tér. Et je pense que je ne serai pas le seul.
PS : Il semble que le gouvernement hongrois envisage de légiférer au sujet des milices. A suivre donc.
Image : source Wikipedia, Moszkva tér.

28 avril 2011

Anthologie Borders


Voici l'illustration de couverture de l'anthologie de nouvelles intitulée Borders à laquelle j'ai l'honneur de participer.

Un mot d'abord du projet. Les éditions CDS possèdent une collection baptisée "Pueblos" dont le but est de reverser tous les droits à une association. Charlotte Bousquet, l'anthologiste, m'avait parlé de ce principe qui m'avait enthousiasmé. Dans le cas de Borders, le bénéficiaire devrait être, si j'ai bien tout compris, le Réseau Éducation Sans Frontières.

Je dois encore relire le bon à tirer pour une parution prévue initialement au printemps, mais repoussée. Il se murmure même que ce serait la dernière anthologie de ce genre. C'est bien dommage. Il faut saluer le travail des éditions CDS. De ton côté, tu pourras te consoler avec une dizaine de nouvelles sur le thème des frontières et la couverture signée Patrick Imbert ci-dessus.

Pour en revenir à mon cas personnel, la nouvelle que tu y trouveras s'intitule "L'Enclave". Elle poursuit une idée qui m'avait effleuré au moment où j'écrivais Les Légions dangereuses (donc en 2004) : un monde de fantasy plus ou moins régi par les lois de l'inconscient. J'ai commencé à esquisser cet univers dans une nouvelle, "Rêveurs, vos papiers", que j'avais proposée pour l'anthologie Crime en imaginaire en 2008. En fait, j'avais envoyé deux nouvelles qui avaient sélectionnées mais c'est l'autre qui a finalement été retenue.

Le thème de Borders m'a relancé dans ce projet. Je profite maintenant des appels à textes pour continuer à développer cet univers. Une deuxième nouvelle vient d'ailleurs d'être retenue pour une autre anthologie. Je t'en reparlerai en temps et en heure. A terme, j'aimerais bien en faire un petit cycle et, si possible, un recueil. Prépare-toi déjà pour "L'Enclave" dont je te livrerai l'incipit dès que Borders sera publié.

27 avril 2011

Les trois vies de Laszló Chim. Extrait


J'ai publié l'une de mes premières nouvelles en 2007 dans Mélampous, la revue de l'Asso-ciation française des magistrats de la jeunesse et de la famille (eh oui, rien que ça). Le numéro portait sur la crise des banlieues.

Récemment, j'ai eu la surprise de constater qu'elle avait été mise en ligne
. On ne m'a pas demandé mon avis, mais c'est malgré tout une occasion de te la faire connaître. En voici le début (la suite est à cette adresse).


Tout au long de sa courte vie, Laszló Chim s'était heurté à des murs. Il y avait les murs en bétam de sa chambre, de son appartement, de son immeuble, de sa cité ; et puis ceux qui étaient faits de rien, les murs invisibles qui l'entouraient, contre lesquels il se déchirait le cœur et la peau. Une rage d'animal blessé l'habitait constamment, le poussant à frapper les parois de ses poings nus. Parfois, il cognait si fort que le sang perlait ; il croyait avoir blessé les murs, mais ce n'étaient que ses phalanges écorchées qui rougissaient la pierre.

Il errait aux confins d'un labyrinthe immense, sans âme, sans vie, où les écoles ressemblaient à des usines, et les usines aux prisons. Il voyait souvent des gens qui parvenaient à s'échapper des méandres de la Zone ; elle était percée de tunnels, de galeries, de viaducs. Mais lui n'avait jamais pu emprunter aucune de ces routes, il n'avait pas les bons billets. Chaque fois qu'il avait cru prendre un chemin de traverse, il s'était retrouvé à son point de départ, échoué dans l'un des ces no man's land.

Ce jour-là n'était pas une exception.

Les hauts murs des SSP montaient la garde autour de son corps frêle d'adolescent. La lumière crue d'un vieux néon lui tombait sur les épaules comme une pluie froide. Il attendait maintenant depuis si longtemps qu'il avait perdu la notion du temps. De toute manière, le temps n'existait pas dans le labyrinthe. Les jours ressemblaient aux jours et les nuits se suivaient, identiques. Il en oubliait déjà la raison de sa présence, le pourquoi de ses ecchymoses. Il végétait, assis, observant l'ombre de ses cheveux ras sur le plastacier de la table. Un loquet sonna dans le silence. Il sortit de la solitude abrutissante et se tourna vers l'arrivant.

C'était un homme entre deux âges, moustachu. On voyait qu'il n'appartenait pas aux SSP : il ne portait ni insigne ni uniforme. Il avait ce visage gris des gens qui restent trop longtemps dans la Zone, à respirer l'air vicié des voies couvertes, à ne voir le soleil qu'entre deux tours.

L'homme se posa en face de Laszló, sur la seconde chaise. Il lui lança un regard éteint, vaguement humide.

— Je suis le psologue, dit-il en guise de présentation.

Image : source Wikipedia, planche XII des Prisons de Piranèse.

26 avril 2011

Chose vue 30 : la horde sauvage

Vers midi, à Budapest, Place des Héros.

Le ciel est voilé de nuages gris sur la place des héros où se détache, autour d'une imposante colonne surmontée par l'archange Gabriel, un groupe de sept cavaliers de bronze. Ces sculptures gigantesques représentent les légendaires chefs des tribus magyares qui ont conquis le pays au 9e siècle.

Ce jour-là, quelques clochards campent au pied des représentations. L'un d'eux a réussi à monter sur l'énorme podium de pierre qui supporte les statues. Il regarde en l'air vers un troisième larron qui est, lui, perché sur l'encolure d'un cheval.

Rougeaud, hilare, assez saoul pour oser l'ascension, assez sobre pour maîtriser ses mouvements, il ressemble à un enfant tant la sculpture est démesurée par rapport à lui. La casquette vissée sur le crâne, il surplombe la place de sa domination éphémère.

13 avril 2011

Nous irons tous à la Sorbonne


Si le monde existe encore, tu pourras te réjouir et profiter de la vie en allant écouter un colloque intitulé "L'Antiquité gréco-latine aux sources de l'imaginaire contemporain : fantasy, fantastique, science-fiction", les 8 et 9 juin 2012 à la Sorbonne.

Si le titre ne suffit pas à t'allécher et à te faire hurler comme le loup de Tex Avery (pour ma part, je n'ai pas pu me retenir), sache que je suis convié à la rencontre parmi d'autres auteurs pas morts et de mauvais genre. Ça te laisse un peu plus d'un an pour y réfléchir.

Image : source Wikipedia, chapelle Sainte-Ursule de la Sorbonne.

11 avril 2011

Merlin rules !


J'ai appris que le tome 1 de L'Apprentie de Merlin était sélectionné pour participer au prix des Incorruptibles dans la catégorie 4e/5e. Ce qui me cause évidemment un plaisir extrême. Je te tiens au courant mais les résultats ne tomberont pas avant 2012. Cela te laisse le temps de lire l'intégralité de la sélection.

En parlant de Merlin, voici deux critiques glanées sur la Toile : sur les blogs Un brin de lecture et Histoires de lectures. Et puis une autre à propos de Magiciennes et sorciers sur Imaginelf.

4 avril 2011

Sondage armoise d'avril


Après un mois bien calme (du moins sur ce blog), voici les résultats de notre dernier sondage. Si le gouvernement veut sauver sa peau avant les élections, tu lui conseilles de mettre Hulk à l'Éducation nationale (53%), ou bien Wolverine à l'Intérieur (33%) voire Hancock comme porte-parole (26%). Par contre, Batman n'est guère plébiscité pour les Affaires étrangères (13%). Ne parlons même pas Captain America à la Défense (0%). Espérons que ceux qui nous dirigent sauront entendre la voix du peuple.

Nous avions bien essayé de prévoir la prochaine crise internationale, mais la réalité nous a une fois de plus dépassés avec la catastrophe de Fukushima. Je ne ferai pas remarquer que plus personne ou presque ne parle du tremblement terre et du tsunami dont le Japon est loin d'être remis. Tout le monde ne craint plus que le nuage radioactif. Eh bien, parlons-en.

Que peut-on attendre du nuage radioactif ?
  • Un troisième œil
  • Briller dans le noir
  • Le pouvoir de dématérialisation
  • Une force colossale
  • Une maladie grave
Ça laisse toute de même plus de choix qu'un simple "pour ou contre", non ?

Image : source Wikipedia, photo aérienne des réacteurs 3 et 4 de la centrale de Fukushima, prise le 24 mars 2011.