3 décembre 2017

Il y a dix ans : La Dernière Odyssée


C'était en septembre 2007 (oui, je suis un peu en retard). Le moment était pour moi charnière, comme on dit. Mes deux derniers romans ayant été des succès très relatifs, j’étais en plein doute. On m’avait fait comprendre que je devais éviter de me planter une troisième fois. Dans le même temps, je m’essayais pour la première fois à la forme brève avec deux nouvelles.


C’est à ce moment-là que Xavier Mauméjean a lancé sa nouvelle collection Royaumes Perdus chez Mango, collection jeunesse qui devait aborder toutes les mythologies du monde. Il m’a contacté, décrit le principe de sa collection et j’ai accepté tout de suite. Bien sûr, ma première idée a été de parler de la Grèce antique.

J’avais déjà un projet en tête à ce moment-là. Je me souviens que, quelque temps auparavant, j’avais discuté de retravailler sur l’Odyssée avec Colin Marchika au cours du festival de Vendôme, dans une halle qui sentait encore le poisson. Nous avions eu une conversation typique de geeks en nous demandant si Zeus était vraiment l’entité la plus puissante de la mythologie grecque.

J’ai donc conçu mon histoire comme une Odyssée bis. J’ai choisi le personnage le moins important du catalogue des vaisseaux au chant II de l’Iliade. Il apparaissait sous le nom de Nirée (Nireus en grec) : mon premier acte a été de le rebaptiser Niréus, l’accent permettant de retrouver l’écriture grecque tout en lui donnant une apparence latine. Et puis ça sonnait beaucoup mieux à mon oreille.

J’ai lu de nombreuses suites des textes homériques pour vérifier qu’il n’y avait presque rien sur le personnage (je te conseille au passage les Récits inédits sur la guerre de Troie aux belles Lettres). J’ai récolté les informations suivantes : Niréus vient de l’île de Symé avec trois navires,  il est fils de Charopos et d’Aglaea et est le plus beau de tous les Achéens, après Achille. Il participe aussi à l’expédition de Télèphe.

C’était maigre mais cela me laissait les coudées franches. J’ai donc prévu un retour du guerrier, un nostos, comme l’Antiquité en a produit mais dont très peu nous sont parvenus. Ulysse partait vers l’ouest et faisait le tour de la Méditerranée ; Niréus se contentait de descendre la côté de l’Asie mineure. Quant aux créatures rencontrées, je voulais montrer d’autres monstres plus inhabituels, des seconds couteaux également, comme les Ichtyocentaures, les Dactyles ou les Telchines.

C’était mon premier texte jeunesse mis tout s’est très bien passé. Le roman a été écrit en un mois, sans doute en juillet 2007. Mon frangin m’a dessiné une carte pour illustrer le roman. Il y a eu peu de corrections. C’est Xavier qui a trouvé le titre. J'ai bénéficié d'une superbe couverture de Vincent Dutrait. Et le roman m’a valu mon premier prix littéraire à Liévin. Et puis, ce fut ma première réédition, le roman étant paru de nouveau en GF-Étonnantissimes cinq ans plus tard.

J’avais lu les Nouvelles orientales de Yourcenar pour m’inspirer de son style classique, précis et beau. À la relecture, je ne retrouve pas vraiment l’influence. Justement, en le relisant, je me rends compte que je ne maîtrisais pas encore l’écriture jeunesse. Le récit bref n’a jamais été naturel, il m’a fallu des années avant d’arriver à écrire des nouvelles qui se tenaient. Ici, au lieu de construire un roman court, j’ai simplement fait une sorte de miniature romanesque. Je pense que cela participe de son charme puisque le texte est moins calibré que d’autres de mes romans jeunesse.

J’avoue que l’ambiance me plaît toujours de cette Grèce chaude et sensuelle. J’étais très fier de certaines inventions comme le palais de Teuthras, tout en pierre. Et surtout le personnage de Niréus fait partie de mes préférés, sorte de louzeur magnifique (ce sera mon orthographe de ce mot désormais), assumant sa position de second derrière Ulysse.

Pour le reste, j’avais prévu de poursuivre les aventures de Niréus avec deux suites. C’est la limite de ce roman. Il y a trop de pistes suggérées pour qu’il soit entièrement satisfaisant tout seul. Et cela me donne l’envie, qui en fait ne m’a pas quitté depuis des années, non seulement de relire sa suite, Les Gorgonautes, et d’écrire enfin le troisième tome.