2 octobre 2018

Il y a dix ans : Requiem pour Elfe noir

Il y a dix ans paraissait Requiem pour elfe noir, un roman un peu à part dans ma bibliographie. Pour une raison très simple : il n'est pas signé de mon nom mais d'un certain John Gregan. Comment est venue cette idée d'écrire sous pseudonyme ? En fait, c'était à la suggestion de l'éditrice Célia Chazel (qui a aussi trouvé le titre si je me souviens bien) alors que Mnémos avait sorti Bloodsilver de Wayne Barrow un peu plus tôt.

Je dois avouer que j'ai adhéré tout de suite. Après deux romans qui n'avaient pas bien marché (on dit qu'ils n'ont pas trouvé leurs lecteurs dans le monde de l'édition), il était temps de me réinventer un peu. J'ai donc créé János Gregan, né en 1948 à Budapest et parti à Londres après la répression soviétique de 1956. Pour le nom de famille, je suis allé piocher du côté de ma belle-famille. Enfin, une amie traductrice a prêté son pseudo pour le crédit.

Ensuite, j'ai inventé toute une bibliographie de John Gregan, j'avais même une photo officielle. J'ai poussé le vice jusqu'à commander de fausses couvertures à mon beau-père qui est dessinateur et à Elliott Broutin, qui avait déjà réalisé les dessins intérieurs des Légions dangereuses. J'avais même commencé une longue interview de l'auteur. On avait prévu de mettre en ligne un site. Bref, on s'est bien amusés.

Je dois dire que, pour moi qui publie sous mon nom, ce pseudonyme a été une forme de libération au niveau de l'écriture. Influencé par l'Orlando de Virginia Woolf, j'ai voulu un héros qui devient une héroïne. Mais pour cela, il fallait que le genre de mon narrateur reste dans l'ombre. J'ai donc travaillé sur les accords, les adjectifs épicènes (en relisant, j'ai trouvé une dizaine d'erreurs de ma part à ce sujet).

Et puis, je crois que j'étais marqué par ma vision récente de Il était une fois la révolution de Sergio Leone. J'ai donc construit mon roman autour d'une analepse progressive qui reprenait le flashback du film afin d'éclairer l'action présente sous un autre jour. Afin de mettre ce retour en arrière en valeur, et pour imiter un peu les ralentis et la musique utilisés par Leone, j'ai mis ces passages en italiques et je les ai écrits en alexandrins blancs.

Souvent, quand on me demande mes inspirations, je parle de Victor Hugo (avec la modestie qui me caractérise) (Hugo est d'ailleurs présent dans le texte avec des échos à la Légende des siècles). Il y a portant une inspiration importante que j'ai tendance à oublier tant elle m'est naturelle, c'est celle d'Hubert-Félix Thiéfaine. Pour créer le monde du Ghetto des fées, je me suis appuyé sur ses chansons et j'ai dépouillé son lexique afin d'en irriguer mes descriptions du Ghetto. Certaines expressions aussi : la Cité-frontière vient par exemple de sa chanson « Nyctalopus airlines ». Par contre, je crois avoir inventé l'asile-hôpital.

Pour l'ambiance, je voulais, sans doute après avoir vu récemment Blade Runner, une atmosphère nocturne, poisseuse et digne d'un roman noir. J'avais dévoré plusieurs romans de ce genre, en particulier de James Hadley Chase où l'enquêteur se faisait constamment casser la gueule (même si le titre du roman m'échappe). Pour le sparadrap sur le nez, je me suis inspiré de Chinatown dans lequel Jack Nicholson en porte un.

Quel était mon but avec cette histoire ? Je voulais raconter la disparition de l'homme de la surface de la Terre et la survie de ses créatures imaginaires qui se débrouillent pour survivre sans lui. Pour raconter cela, Alfar, mon personnage principal, suit les étapes de la vie d'Héraclès et ses douze travaux. À chaque fois qu'il tire une de ses féeriballes, il accomplit l'un des travaux. La fin renvoie à son destin sur l'Œta où il brûle dans la tunique de Nessus. Mais à ce moment, si Héraclès devient un dieu, Alfar sera peut-être devenu un être humain.

Le roman a fonctionné à peu près. J'ai quand même eu droit à des réactions outrées devant le pseudonyme, comme si ce n'était pas une pratique courante en littérature. Je me souviens d'une chronique plutôt positive (sans être enthousiaste) qui avait été complétée ensuite, une fois le pot aux roses découvert, en disant que c'était scandaleux de mentir aux gens de cette manière et que d'ailleurs le roman était mauvais. On m'a aussi accusé d'avoir voulu faire référence à Greg Egan que je n'ai jamais lu et qui écrit, me semble-t-il, de la hard science-fiction (ce qui explique le fait que je n'aie rien lu de lui), bien loin de la fantasy post-apocalyptique que je proposais alors.

En relisant mon roman, je suis plutôt satisfait du résultat. Je trouve que l'univers est riche et que l'action, lente au début, se condense sur la fin. Je lui trouve également de nombreuses résonances avec l'actualité, que ce soit les réflexions sur le genre, sur la couleur de peau ou encore la consommation de viande. Sans parler des échos écologistes du propos que j'ai essayé de ne pas trop appuyer.

Ce roman m'a en outre permis de travailler plus tard avec Thibaud Eliroff, directeur de collection chez J'ai lu, qui avait apprécié le livre. Et puis, Requiem pour elfe noir est le premier jalon d'un travail d'unification de mes différentes histoires. Par exemple, l'auteur John Gregan devient un personnage d'autres romans comme Les Adversaires. Et j'ai écrit une nouvelle « Libera me », qui fait le lien entre le Ghetto des fées et Homo Vampiris. J'aimerais bien d'ailleurs écrire un roman qui permettrait de savoir comment Athanase devient le gardien du Ghetto et comment ce ghetto a été construit. Cela viendra sans doute.

PS : tu auras peut-être reconnu le trait de Marc Simonetti en couverture.

1 octobre 2018

Dictionnaire de la fantasy

Il est enfin là (enfin dans quelques jours) ! Dirigé par la spécialiste Anne Besson, l'ouvrage réunit, en plus de cent entrées, tout ce qu'il faut savoir sur la fantasy. J'ai participé à trois entrées que je te laisse découvrir. C'est chez Vendémiaire et en voici la présentation en vidéo.

Et puis, dernier détail, ce dictionnaire est dédié à Isabelle Périer qui est morte brusquement l'an dernier et que nous n'oublions pas.