20 juillet 2019

Il y a dix ans : Les Gorgonautes

Il y a dix ans paraissait Les Gorgonautes (juste avant la création effective de ce blog, donc pas de renvoi à te proposer). Ce roman jeunesse faisait suite à La Dernière Odyssée, publiée un an plus tôt dans la même collection Royaumes perdus de Mango. Dès le début, j'avais prévu de raconter les aventures de Niréus, mon héros grec oublié, en une trilogie. Cependant, pour des raisons éditoriales, il fallait plutôt proposer des volumes pouvant se lire séparément.

Après un nostos (récit de retour de la guerre de Troie, comme dans l'Odyssée), je voulais mettre en scène un périple (comme les Argonautes). Il s'agissait de ma deuxième collaboration avec Xavier Mauméjean, le directeur de collection. C'est d'ailleurs lui qui m'a indiqué le texte de Platon qui sert d'ouverture au texte.

Autant notre travail sur La Dernière Odyssée s'était très bien passé, autant celui sur les Gorgonautes a été perturbé par de nombreux désaccords et dissensions. Xavier n'aimait pas, notamment, les éléments humoristiques que j'avais ajoutés autour du personnage d'Héraclès. Contrairement à mes habitudes, j'ai dû beaucoup retravailler le texte, allant jusqu'à enlever des chapitres entiers pour en écrire de nouveaux, sans parler des corrections de détails. Cela ne nous a pas empêchés de retravailler ensemble par la suite avec Xavier. 

D'autres problèmes se sont posés ensuite. J'ai eu droit à un correcteur particulièrement zélé qui modifiait mon texte sans me prévenir, ce qui est déjà cavalier, mais qui en plus ajoutait des erreurs. Je me souviens que j'avais utilisé le mot « cavale » pour éviter une répétition du mot cheval, reprenant du vocabulaire classique des traductions d'Homère où l'on qualifie Hector de « dompteur de cavales ». Jugé trop difficile, le mot avait été remplacé par « haridelle » ! De même, toujours pour éviter une répétition, on avait changé le mot « pirate » (mot d'origine grecque, la piraterie étant attestée dès l'antiquité) par « corsaire » (plutôt 15e siècle et suivants) !

Ensuite, il y a eu des discussions sur la couverture. Vincent Dutrait avait réalisé celle de La Dernière Odyssée, que j'aimais beaucoup. Il en a effectué une autre pour Les Gorgonautes qui me plaisait beaucoup également (le bandeau en haut de ce blog est extrait de son dessin). Mais l'éditeur souhaitait donner à la collection un public un peu plus âgé. L'illustration a été refusée et Didier Graffet a été appelé à la rescousse. Bien sûr, son travail a été superbe, comme tu peux le voir là-haut. Mais j'étais toujours attaché à celle de Vincent Dutrait et désolé que son dessin ait été écarté, d'autant que l'on perdait le lien visuel avec le roman précédent. Je l'ai donc contacté et lui ai acheté les deux originaux qu'il m'a envoyés de Corée.

Avec toutes ces contrariétés, j'avais gardé le souvenir d'un travail pénible et d'un roman laborieux. En le relisant, je le découvre beaucoup plus intéressant. Je me rends compte que Xavier avait sans doute raison sur la question de l'humour qui reste maintenant en demi-teinte. De même, l'histoire, malgré les nombreuses modifications, reste très fluide et entraînante. Je trouve que le thème du temps altéré, que je traitais pour la première fois, est bien mené.

À l'époque, j'avais reçu le prix Imaginales jeunesse pour Les Gorgonautes. J'en étais bien sûr extrêmement heureux mais j'avais l'impression que ce n'était pas forcément celui de mes romans qui méritait d'être primé. Aujourd'hui, j'ai changé d'avis et je le considère comme l'un de mes meilleurs.

Il reste que, selon moi, ce n'est pas tout à fait, ou en tout cas pas uniquement un roman jeunesse. Je le trouve trop sombre, trop dense, trop réflexif pour cela. Il conviendrait aussi très bien à une collection pour adultes. Je vais d'ailleurs sans doute profiter de cet été pour écrire enfin la conclusion de ma trilogie, que je repousse depuis dix ans. La collection Royaume Perdus n'existant plus et les livres étant épuisés, j'ai repris mes droits sur les deux premiers romans. Je compte bien en faire un volume unique. 

La dernière aventure de Niréus sera donc, tu t'en doutes, une descente aux Enfers.

Et j'espère pouvoir t'en reparler dans moins de dix ans, cette fois.