22 août 2009

Lettre morte


Je viens de me lire les 12 volumes du manga Death Note. J'avais attendu un moment que tout soit sorti en français, intrigué par des rumeurs très élogieuses.

Pour tout te dire, j'ai été assez déçu. Certes, le dessin est bien, il y a d'excellentes idées de scénario. Le premier tome m'avait d'ailleurs beaucoup plu. C'est ensuite que ça se gâte.

D'abord, les règles concernant le Death Note prennent une place de plus en plus importante dans l'histoire, au point qu'on se retrouve parfois avec une dizaine de pages de discussions sans aucune avancée de l'histoire, juste des raisonnements qui n'en finissent pas, du genre : "Si je donne mon carnet à un dieu de la mort, alors je pourrai oublier ce que j'ai fait et celui-ci pourra à son tour écrire un nouveau nom, celui de mon ennemi qui ne saura pas alors que c'est moi qui l'ai écrit car je n'en aurai même plus de souvenir après trente jours comme le veut la loi du Death Note." J'ai sauté allègrement ces passages mortifères, d'autant qu'ils se doublaient de l'affrontement verbal entre Kira et L avec le même type de raisonnements verbeux : "Si tu dis que tu es Kira, c'est parce que tu espères ainsi que je penserai que tu mens et que je ne te croirai pas, sauf que si je suis ton plan, je t'innocenterai, chose que tu recherches, bla bla bla".

En outre, on sent bien que tout n'a pas été pensé à l'avance et que l'improvisation est reine. Cela donne des personnages longuement exposés qui sont sacrifiés dans la minute où ils commencent à entrer en scène. Quant à certains, on ne sait même pas ce qu'ils deviennent. Le passage où le cahier arrive dans les mains d'un groupe de chefs d'entreprise a été particulièrement douloureux à suivre. L'ensemble s'avère donc verbeux, statique et déceptif. Cela pourrait d'ailleurs être considéré comme une originalité par beaucoup, mais je trouve que cela ne marche pas ici.

Mon dernier point concerne le thème de l'oeuvre : la peine de mort. Encore une fois, certains admirent un propos équilibré, qui refuse de tomber dans la facilité. Malheureusement, j'ai l'impression que le thème a été bien moins fouillé que les règles du Death Note. Finalement, que reproche-t-on à Kira, qui a décidé de tuer d'autorité tous les criminels ? On lui reproche de se prendre pour Dieu, seule entité susceptible de décider de la mort de quelqu'un. C'est d'ailleurs l'un des arguments de Victor Hugo pour combattre la peine de mort en affirmant qu'un pays qui tue ses concitoyens, prend la place de Dieu. Pourtant, dans notre manga, rien de tout cela : jamais la société japonaise, qui pratique toujours la peine de mort, n'est remise en question. On parle même de tester le Death Note sur un condamné (proposition faite par l'enquêteur).

D'autre part, la peine de mort appliquée à tous les criminels semble efficace puisque la criminalité recule drastiquement à partir du moment où Kira entre en jeu. C'est ignorer que la peine de mort est un facteur de violence, une violence exercée par l'institution qui est censée protéger. Comment expliquer que l'abolition ne fasse pas exploser les chiffres des homicides ? Comment expliquer que les pays abolitionnistes ont en majorité des taux d'homicides plus bas que les autres pays ? Ici, on ne montre même pas que la criminalité, sans disparaître, va simplement changer de forme puisqu'il suffit de ne pas faire connaître son visage, de ne pas se faire arrêter (dans le cas d'un crime prémédité). Dans le cas d'un crime non prémédité, cela risque de ne rien changer. Notre manga n'étudie aucun de ces points.

En conclusion, il semble que le message de l'œuvre soit le suivant : la peine de mort est un mal nécessaire qu'il faut encadrer. Il s'agit donc d'un discours pro-peine de mort qui se donne de faux airs abolitionnistes. Difficile d'y adhérer...

5 commentaires:

charlotte a dit…

Bon, eh bien rien que pour ton commentaire, je ne me lancerai pas dans ce manga. Vive VH.
Dans un même genre (enfin, pas tout à fait ) je me suis lancée sur un manga "Life" apparemment absolument génialissime et fin, et fouillé, etc. sur l'idjime et l'automutilation. J'ai été déçue par la légèreté voire la mièvrerie avec laquelle l'histoire était traitée.
Ou alors : ni toi ni moi ne sommes sensibles aux mangas ?

CLAVELUS a dit…

Bah, j'en ai lu plein d'autres qui m'ont plu, mais celui-là m'a vraiment ennuyé (et je n'insiste même pas sur l'aspect idéologique).

J'ai beaucoup aimé "Maison Ikkoku", "Love Hina", "Monster", "GTO", "Y's", "Video Girl Aï", "Ranma 1 1/2" et tout ce que j'ai lu de Tezuka (y'a beaucoup de trucs de filles là-dedans, je m'en aperçois à mon grand étonnement).

charlotte a dit…

j'adore les trucs de filles bien niais de préférence... mais en anime!

Mazoutos a dit…

De Tezuka, lis si tu ne l'as pas encore fait, "l'histoire des 3 Adolf", "Black Jack", "Phoenix" (inachevé), et quelques centaines d'autres... Beaucoup de bijoux là-dedans.

CLAVELUS a dit…

Les "Histoires pour tous", des espèces de nouvelles en manga sont super aussi.