23 novembre 2022

Il y a dix ans : Décollage immédiat


En 2012 est sorti mon premier thriller jeunesse Décollage immédiat et ma première collaboration avec les éditions Rageot. Tout avait commencé un an ou deux plus tôt quand j'avais été contacté pour participer à la nouvelle collection de thriller pour la jeunesse. Comme souvent, je me suis empressé d'accepter, trouvant l'idée excellente. Je me suis mis au travail rapidement et cela m'a permis de sortir dans les tout premiers de la collection, ceux qui bénéficient de toute la communication autour du lancement.

Il m'a d'abord fallu réfléchir à ce qu'était le thriller pour moi. On répond en général : le frisson. Ma réponse fut la course. Dans ma tête, un thriller c'était une longue course où on cherchait à atteindre quelque chose ou bien à en fuir un autre, si possible les deux en même temps.

A cette époque, j'habitais encore Budapest et je faisais des allers-retours fréquents avec la France. C'est ainsi que m'est venue l'idée de tout mettre en avion. Mais, d'habitude, quand une histoire se déroule en avion, tout le suspense consiste à le menacer d'un crash imminent. Je voulais inverser cette tendance en faisant des trajets aériens un moment de pause, de repos. 

Dans un second temps, j'ai réfléchi à ce qui me faisait peur. Les OGM me paraissaient une menace intéressante à mettre en scène, d'autant que ce n'était pas souvent le cas en fiction. La difficulté était de montrer la menace concrètement. Pour cela, j'ai fait appel à une multinationale maléfique que j'avais déjà utilisée dans des nouvelles et des romans : McNess&Visanto (nom construit sur McDonald's, Nestlé, Vivendi et Monsanto). 

Pour mon héroïne (je voulais que ce soit une fille), je voulais m'éloigner de mon dernier personnage du Miroir aux Vampires, qui était grande et intello. Du coup, je suis parti sur une fille en pleine rébellion, tournée vers l'action. Comme je regardais la série Smallville et que l'actrice qui jouait Lana Lang était d'une beauté incroyable, je l'ai enrôlée dans la distribution de mon roman et j'ai nommé mon personnage Lana. 

Dès le début, je voulais que le roman soit le plus fluide possible. Donc, j'ai raconté au présent, avec un narrateur à la première personne. Mais le problème s'est présenté quand il s'est agi de mettre des incises : tu sais ces petites propositions qui indiquent qui parlent (« dit-elle », « demanda-t-il »). À la première personne, ça peut donner du « demandé-je », ce qui pouvait ruiner toute impression de spontanéité. Je me suis donc débrouillé pour enlever toutes les incises en faisant que chaque réplique soit attribuée logiquement à un personnage sans avoir besoin de l'indiquer. 

Dans le même temps, je ne voulais pas dépouiller complètement le roman de sous-texte. Je me suis amusé à jouer sur des métaphores récurrentes autour des plantes. On peut le voir à tous les niveaux : l'héroïne s'appelle Blum (fleur en allemand), la première scène se déroule devant une plante maladive, le chef d'établissement lui dit qu'elle n'est pas de la « mauvaise graine », etc. De même, je me suis appuyé sur le mythe de Perséphone pour structurer mon histoire. 

Il nous restait à trouver le titre. Cela peut paraître étonnant mais on a eu du mal. Mon premier titre, Opération Cérès, a été écarté, à raison. On s'y est mis à cinq, chacun proposant dix titres. Et, parmi cette cinquantaine, on a finalement choisi Décollage immédiat, qui est d'une simplicité biblique. 

Ce qui est amusant, c'est que dès que le roman est sorti, j'ai eu droit à des critiques d'invraisemblance et de manque de réalisme, notamment quand *alerte divulgâchage* Lana prend la place de sa mère hôtesse de l'air. Outre le fait que j'ai entouré l'épisode de précautions (ressemblance frappante avec sa mère, aide d'une complice), ces critiques m'ont toujours agacé. Surtout qu'à la même période une femme avait pris la place de sa fille pour passer le bac et, plus tard, une autre s'était fait passer pour une étudiante pendant des années à la place de sa fille. Sans reparler la suspension de crédulité, ce qu'il m'importait de raconter, c'était de montrer une réconciliation entre le personnage de Lana et sa mère, à travers une phase d'autonomisation. Il était fondamental qu'elle prenne sa place à un moment de l'histoire. C'était réaliste au niveau fantasmatique. D'ailleurs, cela m'a valu mon premier article universitaire

Le roman a bien marché. Il a remporté le prix des Incorruptibles en 2014 et tout un tas d'autres : c'est mon livre le plus primé et l'un de ceux qui se sont le mieux vendus à ce jour. En relisant, je suis heureux du travail accompli. Cela paraît simple et fluide. J'ai pu aussi faire davantage attention à créer des cliffhangers à chaque fin de chapitre. Une vraie leçon ! C'est d'ailleurs épuisant à écrire : je ne pourrais pas en enchaîner plusieurs. 

Étrangement, ce roman, qui sort de mes inspirations habituelles, est celui qui m'a permis de rencontrer beaucoup de classes et de me déclarer écrivain sans avoir l'impression de mentir. Et puis, il marque le début d'une longue collaboration avec Rageot (dix ans à ce jour et une vingtaine de livres). C'est donc un jalon important. Il a d'ailleurs été réédité en poche dans la collection Heure Noire.

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