20 août 2010

Le Châtiment des Flèches. Extrait 2/3


Je profite du 20 août (on y fête saint Istvàn) pour te livrer un deuxième extrait avant la parution en septembre.

Dans ce passage (trois tueurs attendant un mystérieux cavalier), tu devrais trouver des réminiscences western assumées. Il y en a beaucoup d'autres dans le roman.

En effet, il m'a semblé que la construction d'un royaume chrétien par Istvàn face à des tribus païennes semi-nomades s'apparentait à une "conquête de l'est" par bien des aspects.



Poursuivant sa route, le cavalier avançait de son trot calme, presque lent. Il mâchait en permanence des brins d'herbes dont les tiges dépassaient de la commissure relevée de ses lèvres. Le soleil paraissait grandir dans le ciel de seconde en seconde.

On n'entendait plus que les criquets qui stridulaient dans la chaleur revenue. Leur chant se mêlait au rythme des sabots frappant le sol, au chœur des corbeaux qui émettaient des vocalisations basses et caverneuses. Cette musique nonchalante et funèbre semblait conduire l'homme à sa mort.

Soudain les criquets se turent, les corbeaux s'imposèrent le silence. Le cheval s'arrêta.

Le cavalier faisait face au premier tueur. Une trentaine de pas seulement les séparait. Ils se dévisagèrent longuement.

Zsolt fronçait les sourcils sous le rayonnement intense du soleil. Une goutte de sueur coula devant son oreille, se frayant un chemin entre les poils de barbe drus. Une crispation du visage relevait ses lèvres sur un côté seulement, indiquant une forme de suffisance.

Cependant, l'inconnu ne montrait aucun changement dans son attitude. Patient, il semblait attendre qu'on dégage son chemin, ne remarquant même pas la flèche encochée de l'archer.

Devant l'indifférence de sa victime, Zsolt commençait à éprouver une certaine inquiétude. On le vit lancer de brefs regards à gauche et à droite, comme pour vérifier que ses complices étaient toujours là. Le cavalier ne réagit pas.

Alors, un vague souffle de vent, à peine une brise, souleva un nuage de poussière. Ce fut le déclenchement.

Zsolt redressa son arme et lâcha son trait qui s'envola en sifflant. L'inconnu bascula sur le côté droit sans pourtant tomber de cheval.

Trois cris de douleur déchirèrent le silence.

Le premier était celui de Súr, précipité de son arbre.

Le second avait été poussé par le bâtard sans nom dont le corps s'effondra contre le roc.

Quant au dernier, il trahit la surprise de Zsolt, touché d'une flèche en plein cœur. La violence de l'impact le fit pivoter sur lui-même avant de s'abattre dans la terre sèche.

Le calme revint presque aussitôt sur le paysage à présent écrasé de chaleur. Trois cadavres gisaient, le ventre hérissé d'un empennage sombre. Le trait avait pénétré si profondément dans l'abdomen que la pointe était ressortie dans le dos. Les tueurs, trop sûr d'eux, avaient omis de passer leurs armures de cuir.

Très lentement, le cavalier se redressa sur son cheval. Son expression désinvolte n'avait pas changé et, pourtant, il faisait désormais songer à un lion.
Image : source Wikipedia, Chronique enluminée, vol de la couronne

5 commentaires:

Charlotte Bousquet a dit…

http://www.youtube.com/watch?v=j_OROUBNais&NR=1

je n'ai pas pu m'empêcher

Mazoutos a dit…

Bien vu, le 'Drang nach Osten' des empereurs ottoniens. Je n'avais pas relevé ce parallèle. La peste soit de mon incroyable distraction.

CLAVELUS a dit…

Petit rappel : la scène d'ouverture de "Il était une fois dans l'Ouest" (1968) est une reprise inversée d'un motif présent dans "Le train sifflera trois fois" (1952) où trois bandits viennent attendre leur chef à la gare.

C'est quoi le "Drang nach Osten" ?

Mazoutos a dit…

Le 'Drang nach Osten' ('ruée vers l'Est') est le nom donné à la politique d'expansion des Ottons, au tournant des Xème-XIème siècles, vers les régions d'Europe de l'Est (en particulier la Pologne, la Bohême -la bo-hêêêmeeeu- et la Hongrie) par le biais de la colonisation et de l'envoi de missionnaires fidèles à Rome, parmi lesquels Adalbert de Prague.

Cette dénomination a été tristement reprise par les nazis dans les années 1930, quand ils multipliaient les agressions en direction de l'Europe de l'Est.

CLAVELUS a dit…

Quel talent ! J'ai réinventé le concept !