11 décembre 2025

Il y a dix ans : Le choix de Bérénice


Juste avant la fin d'année, je viens de relire un roman paru en 2015 : Le Choix de Bérénice. L'histoire de cet ouvrage est assez sinueuse. Je t'en rapporte les grandes étapes.

À l'époque, je choisis de travailler sur la Bérénice de Racine avec mes élèves de lycée, notamment à cause de son décor antique. Je me plonge dans la lecture de la tragédie et j'en sors époustouflé. La modernité de la pièce m'épate. Notre dramaturge réussit l'exploit de bouleverser ses lecteurices sans la moindre mort dans le dénouement. Et la langue est magnifique, d'une simplicité confondante.

À la même période, je découvre une collection en jachère chez Rageot : "Remake". Il s'agit de réécrire des classiques en version jeunesse contemporaine. Un titre m'arrête : Tu te maries et moi j'aime, signé de Sarah K, reprise des Mémoires de deux jeunes mariées de Balzac. Une vraie réussite.

Seulement, la collection n'a pas marché, me prévient la directrice de l'époque, Caroline Westberg. La faute notamment à l'accueil du corps enseignant qui est encore frileux (nous sommes en 2005) avec la réécriture de classiques. Mais surtout, à mon avis, à l'idée de mettre le texte original à la suite du roman réécrit, ce qui fait que les ouvrages sont énormes.

Qu'à cela ne tienne, je réfléchis à la manière de présenter une nouvelle collection de réécriture de classiques. Un point commun finit par me sauter aux yeux : la plupart des classiques proposent des histoires d'amour. Eurêka : ce sera une collection de romance. Je propose même le nom qui sera adopté (mais sans le tiret) : "In-love" (pour in-folio). Bien sûr, je propose Bérénice comme premier titre.

Malheureusement, cette collection va connaître le même destin que "Remake", dix ans plus tard. On sort seulement une demi-douzaine d'ouvrages avec pourtant des autrices qui ont fait leurs preuves comme Charlotte Bousquet ou Camille Brissot. Les couvertures sont assez kitsch, comme si l'éditeur n'était pas à l'aise avec le sujet. Et puis, la direction change quelques mois après le lancement et "In love" tombe dans les oubliettes.

De mon côté, l'écriture n'est pas facile. J'écris un premier roman qui ne convainc personne. Je jette le manuscrit et écris une toute nouvelle version. Cette fois, cela prend. Le roman est publié. Mais la collection s'arrête bientôt et Rageot me rend mes droits sur l'ouvrage qui ne sera plus exploité.

Qu'en reste-t-il en le relisant ? Eh bien, comme avec Ce stage était vraiment mortel, où je m'essayais au roman d'horreur, je me livrais là à un essai de romance. Et l'essai n'est pas entièrement transformé. Toujours inquiet de ne pas ennuyer mes lecteurices, je vais trop vite et je ne laisse pas assez de place aux sentiments pour se développer. Le corps de mes personnages est quasi-absent. En outre, mon choix de raconter au passé simple (sans doute dans l'espoir de donner des gages de légitimité aux prescripteurices) achève de bloquer l'émotion.

J'ai l'air sévère avec mon petit roman mais je continue de l'aimer. J'aimerais le retravailler sans doute un peu à la manière dont j'avais traité La Traviata et où il me semble que j'avais mieux réussi à lâcher la bride à mon lyrisme. Et puis, l'ouvrage devrait être un peu allongé et passé au présent. Mais, pour le reste, je suis heureux de mes quelques trouvailles et adaptations, notamment l'ange gardien d'Arslan qui lui donne des conseils. Et je reste persuadé (Charlotte est d'ailleurs sur la même longueur d'onde) qu'il y a de la place dans le milieu éditorial pour une collection de réécritures modernisées de classiques pour la jeunesse.