Libera me. Extrait 1/1

Voici le début de ma nouvelle "Libera me" à paraître dans l'anthologie des Imaginales 2013, Elfes & Assassins. 

Si tu as lu Requiem pour Elfe noir, tu y retrouveras des figures familières. 

Sinon, bonne découverte du Ghetto des Fées.

Tu titubes et tu tombes, Dökkalfar.

Personne ne te rattrape dans les rues du Ghetto des Fées. Ils sont trop nombreux à tomber chaque minute. Trop de dingues et de paumés qui errent ici, mendiant un peu de nourriture ou d'oxygène.

Les races s'éteignent.

Il flotte une odeur d'ozone, un parfum de ruines. Tu croises des Lutins fuyants. Même les Hobgobelins et les Bergtrolls s'écartent de toi. Les Anges se détournent. Il n'y a plus que les Stryges qui te suivent de loin tels des vautours, ou bien ces chacals de Kobolds. Les charognards sont là.

Tu marches au hasard dans les bas-fonds. On t'expulse des caboulots, sauf quand tu peux récupérer un peu de bleue des mains des passants. Tu ne demandes pas, tu exiges.

Parfois la Sylphide et ses cheveux d'aurore ou bien de crépuscule vient déposer quelques pierres de cobalt dans ta paume tendue. Ses yeux sont humides. Elle part avant de pouvoir te dire un mot.

— Je suis un chien !

Tu sais qu'elle t'entend même si elle ne se retourne pas.

Tu voudrais finir dans un trou, sans sépulture, pour que tes frères les chiens n'aient pas à creuser pour découvrir ton cadavre.

Mais il y a bien longtemps que tous les chiens sont morts. Toi-même tu ne saurais pas en reconnaitre un s'il croisait ta route. Il n'y a que les Stryges et les Kobolds qui te suivent à la trace.

Même cela n'arrivera pas. On ne laisse pas un Dökkalfar mourir dans la rue. Notre-Dame de la Nuit ne le tolèrerait pas.

Alors, en attendant qu'on te ramène, que tu redeviennes raisonnablement mélancolique, que tu achèves ton propre assassinat, tu remontes la Rue barrée, ta lanterne à la main, et tu cries à qui veut l'entendre :

— Je cherche le Div'Homme !

Image : source Wikipedia, boues d'épuration.